Bonjour les apnéistes!
j'ai eu la chance de tomber sur les comptes-rendus d'une conférence complètement dédiée à l'apnée. Elle s'intitule "Breath-hold diving 2006" et a été organisée conjointement par l'Undersea and Hyperbaric Medical Society (UHMS) et Divers Alert Network (DAN). Cette semaine, je vous propose de parler de la contribution du docteur Peter Lindholm (Suède) qui traite des "Mécanismes physiologiques impliqués dans le risque de perte de conscience durant la plongée en apnée" (la référence complète se trouve en bas de l'article).
Ces mécanismes physiologiques peuvent être classés en 2 grandes catégories: (A) Les mécanismes qui ont un effet bien établis pour lequel des preuves scientifiques sont disponibles et (B) Les mécanismes qui sont supposés avoir un effet sur le risque de syncope.
Dans la Catégorie A, nous trouverons:
1. Le manque de réserve de sucre dans le corps. Des périodes prolongées d’exercices vont diminuer les réserves de sucre du corps (glycogène), ce qui force le corps à compenser en augmentant le métabolisme des graisses. Cependant, lorsque le corps humain brûle des graisses pour produire de l'énergie, il utilise 8% d'oxygène en plus que lors du métabolisme des sucres! Aussi, le métabolisme des graisses produit 30% de CO2 en moins que le métabolisme des sucres. En conséquence, un apnéiste qui a consommé ses réserves de sucres deviendra hypoxique plus rapidemment, et en plus, son stimulus CO2 apparaîtra plus tard! D'un autre côté, il a été prouvé qu'un repas riche en sucre conduit à une dimunition du temps d'apnée (due à la forte production de CO2 et donc, à l'envie de respirer qui vient beaucoup plus rapidemment). La nutrition est donc primordiale mais doit être adaptée à l'activité qui va être pratiquée.
2. L'hyperventilation. Elle réduit le CO2 sanguin sans augmenter le contenu en oxygène de la même façon. Commencer une apnée avec un taux de CO2 plus faible rend l'apnée plus facile à première vue vu que le signal naturel de l'envie de respirer est faussé. Cependant, cela peut conduire à des situations de danger extrême vu que des apnéistes avec une très forte motivation (ou une haute tolérance à l'inconfort) peuvent retenir leur souffle jusqu'à perdre conscience!
3. Perte de connaissance (blackout) à la remontée. La pression partielle d'oxygène dans les poumons affecte la charge en oxygène du sang et donc l'apport d'oxygène au niveau du cerveau. En surface (=1 atmosphère=760 mmHg), une pression partielle critique d'oxygène (PAO2) de 30 mmHg dans les poumons (=4% d'oxygène) permettra de maintenir l'état de conscience lorsque l'on se remet à respirer après une apnée. Ainsi, alors qu'un plongeur faisant surface avec une PAO2 de 15mm Hg dans les poumons (=2% d'oxygène) perdra connaissance, un plongeur nageant à -30m avec la même PAO2 sera tout à fait à l'aise puisque la pression d'oxygène sera là en bas de 60 mmHg. En effet, la loi de Dalton sur les pressions partielles nous apprend que la pression partielle d'un gaz est égale à la pression absolue fois la fraction de ce gaz: A -30m, on a "4 atmosphères (ou 3040 mmHg) x 2% oxygène = 60 mm Hg PAO2". Donc, ce plongeur complètement à l'aise à -30m, perdra connaissance à -10m (faites le calcul comme exercice ;-), illustrant le phénomène de perte de connaissance à faible profondeur (ou shallow water blackout). Cela vous indique également pourquoi, je ne conseille vraiment pas de faire de longues apnées statiques en profondeur car c'est toujours plus facile mais ensuite, il reste la remontée...
4. Le réflexe d'immersion et la conservation de l'oxygène durant la plongée. L'intensité de ce réflexe (réduction de la fréquence cardiaque, vasoconstriction périphérique sélective et réduction du métabolisme de l'oxygène) peut être un facteur, associé au volume pulmonaire et à une technique de nage économique, qui fait que certaines personnes seront capables de survivre à une apnée et d'autres non. Comme dans beaucoup d'autres domaines, les différences inter-individuelles peuvent être très marquées. Dès lors, écouter votre corps, pas votre voisin!
Dans la Catégorie B, nous trouverons:
5. Trouble du rythme cardiaque (arythmie). La réduction de la fréquence cardiaque déclenchée par l'apnée peut conduire à différents type d'arythmie chez l'homme. Il a été suggéré que certaines personnes souffrant de mal formation cardiaque sont plus susceptibles d'être sujet à la noyade. D'où l'importance de faire échographier son coeur au moins une fois lorsque l'on pratique l'apnée (et la plongée en général d'ailleurs).
6. Les insufflations glossopharyngiennes (ou "carpe"). Les apnéistes pratiquent la carpe afin d'augmenter le volume d'air de leurs poumons. Cette technique peut causer des syncopes, probablement à cause de la réduction du retour véneux et donc à la perte de pression artérielle. Il s'agit donc d'une technique à utiliser avec la plus haute précaution.
Voici la référence complète de cette revue que je peux fournir sur demande:
Lindholm P (2006). Physiological mechanisms involved in the risk of loss of consciousness during breath-hold diving. In: Lindholm P, Pollock N and Lundgren C (eds). Breath-hold diving. Proceedings of the Undersea and Hyperbaric Medical Society/Divers Alert Network 2006 June 20-21 workshop. Durham, NC.
N'hésitez pas en cas de questions!
A bientôt,
Felice