Bonjour!
je vous propose de parler de la pratique de l'insufflation glossopharyngienne ou plus communément connue sous le terme de "carpe". Pour ce faire, je vais vous résumer une étude parue il y a quelques mois dans le journal Respirology et qui est intitulée: "L'insufflation glossopharyngienne cause des blessures au niveau pulmonaire chez des apnéistes entraînés".
Faire la carpe consiste à continuer à pomper de l'air vers les poumons après une insufflation maximum. C'est une technique qui n'est pas sans risques (comme vous allez le découvrir ci-dessous) et elle ne peut être pratiquée que par des apnéistes chevronnés. En effet, dans la formation AIDA, cette technique n'est enseignée qu'à partir de la 4ème étoile. Les apnéistes les plus entrainés peuvent ainsi emmagasiner jusqu'à 3L d'air en plus de leur capacité pulmonaire totale selon Loring et collaborateurs (2007).
Le but de la présente étude a été d'étudier, par imagerie médicale (CT scan), la morphologie des poumons de 6 apnéistes trentenaires très bien entraînés dans 2 conditions: 1°) Directement après avoir carper et 2°) 3 jours plus tard en condition physiologique normale (c'est à dire après une insufflation maximum mais sans carper).
Les résultats montrent qu'un pneumomediastinum a été detecté chez les 5 apnéistes carpant correctement (ils prenaient en moyenne 1,4L d'air en plus de leur capacité pulmonaire totale) (Figure 1). Un pneumomediastinum réfère à la présence d'air dans le médiastin. Ce dernier correspond au contenu de la cage thoracique lorsque l'on enlève les poumons. En d'autres mots, c'est comme s'il y avait eu une fuite d'air au niveau de leurs poumons.
Figure 1. Vue au CT scan suivant une insufflation glossopharyngienne (carpe).Le pneumomediastinum (flèche blanche) est adjacent à la bronche principale gauche (Chung et collaborateurs, 2010).
Pour ce qui est du CT scan réalisé 3 jours après l'expérience mentionnée ci-dessus: les sujets 1, 2 et 3 ne montraient plus de pneumomediastinum sur le CT alors que les sujets 4 et 5 montraient toujours un pneumomediastinum. Pour le sujet 6, qui s'est avéré ne pas savoir carper correctement, les CT réalisés dans les 2 conditions n'ont pas montré de différences discernables.
En résumé, le pneumomediastinum est un évènement courant apparaissant chez les apnéistes pouvant carper de manière efficace. De plus, cette étude a été réalisée indépendamment de la plongée, et des effets cumulatifs pourraient apparaître puisque l'expansion du pneumomediastinum n'est pas prévisible à la remontée, par exemple. D'un autre côté, en plongée, la pression de l'eau, la combinaison et la musculature thoracique de l'apnéiste entraîné pourraient diminuer cet effet.
Quoiqu'il en soit, le pneumomediastinum est une lésion pulmonaire et même s'il l'on voit que chez certains sujets, cela s'était résorbé après 3 jours, il convient de rester très prudent, notamment suite aux effets potentiellement cumulatifs. C'est pourquoi, cette technique ne doit jamais être pratiquée par des apnéistes débutants n'ayant pas l'expérience et la formation adéquates.
Voici la référence complète de l'article que je peux fournir sur demande:
Chung, S.C., Seccombe, L.M., Jenkins, C.R., Frater, C.J., Ridley, L.J.Peters, M.J. 2010. Glossopharyngeal insufflation causes lung injury in trained breath-hold divers. Respirology. 15, 813-817.
Ainsi que la référence de Loring et collaborateurs citée dans le texte:
Loring, S.H., O'Donnell, C.R., Butler, J.P., Lindholm, P., Jacobson, F.Ferrigno, M. 2007. Transpulmonary pressures and lung mechanics with glossopharyngeal insufflation and exsufflation beyond normal lung volumes in competitive breath-hold divers. J Appl Physiol. 102, 841-846.
N 'hésitez surtout pas en cas de question à propos de cette étude très interessante.
Felice